6 avril 2018. Nous quittons notre lodge en début de matinée pour nous rendre à l’aéroport de Kathmandu où nous avons attendu près de trois heures, notre vol ayant une heure et demie de retard. A l’image de la capitale, le hall des vols intérieurs se présente sous un bordel organisé dont seuls les népalais comprennent les rouages, sous l’oeil hagard des touristes, les bras ballants, leur billet à la main.
Nous savions que la piste d’atterrissage de Lukla est à priori la plus dangereuse du monde, mais je crois qu’il faut la voir se rapprocher à toute vitesse pour mesurer l’aspect inconsidéré de ce vol : la piste d’atterrissage en question est définie en fait par une petite bande de goudron enclavée entre les montagnes et se termine brutalement par...un mur. Les pilotes doivent effectuer un virage en bout de piste pour éviter la catastrophe, et de nombreux vols sont régulièrement retardés ou annulés lorsque le vent représente un danger trop important.
Pour célébrer le fait de ne pas nous être écrasés contre le mur comme des moustiques sur un pare-brise, nous avons entrepris de déguster un Daal Bhat, dont on ne savait pas encore qu’il allait nous gratifier d’une joyeuse intoxication.
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Le sommet de l’Everest se laisse apercevoir très tôt sur le trek, pour le plus grand bonheur des randonneurs venus du monde entier pour réaliser cette expérience extraordinaire.
Malheureusement, l’élan généré par l’enthousiasme qui était le nôtre au début de l’expédition s’est trouvé brutalement freiné dès le deuxième jour par l’intoxication alimentaire, laquelle nous a cloués au lit un après-midi entier, en amont d’une nuit de tourmente. Mais nous avons récupéré lentement et poursuivi le voyage à un rythme prudent, très attentifs aux besoins de nos corps et à leurs messages, au moins pour dissiper l’inquiétude latente que nous avait laissé cette douloureuse déconvenue.
Un an et demi après notre premier séjour au Népal, je suis toujours aussi passionnée par ces montagnes immenses qui jaillissent des nuages, dominantes, solidement ancrées, offrant à l’esprit un aperçu de ce qui relève de l’immuable, de l’éternel. Elles surplombent des vallées désertiques, rocailleuses, parsemées de petits buissons de ronces où plaisent à se cacher les oiseaux, que l’on peut encore entendre chanter à 5000 mètres d’altitude. Au-delà, c’est le silence, un silence serein mais glacial, à peine rompu par le souffle du vent ou les cloches des caravanes de yaks qui descendent paisiblement la montagne en compagnie de leur berger. Lorsque ces montagnes se détachent sur le ciel bleu en émettant une lumière blanche et pure, presque hypnotique, on en distingue assez aisément les contours ainsi que les jeux d’ombre et de lumière auxquels le soleil s’adonne sur leurs flancs. A ce moment foncièrement attrayantes, presque séductrices, il semblerait qu’elles s’offrent aux alpinistes comme si elles étaient accessibles, les trompant sur les incommensurables dangers qu’elles leur réservent. En revanche, quand ce sont d’épais nuages gris qui les enveloppent, ces mêmes montagnes peuvent soudainement apparaître mystérieuses et prendre un caractère hostile. Ce qui nous frappe en ces instants, c’est la désolation, le froid, l’absence de toute forme de vie. Alors, sur les sommets déchirés, peut-on imaginer un royaume des ténèbres où vivrait un ange déchu en proie à un terrible courroux, ruminant son mal et diffusant au creux des nuages toute la torpeur de son âme.
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12 avril, onze heure, heure locale. Le camp de base de l’Everest est passé du registre de l’imaginaire à celui de réalité. Ce sont de chaudes larmes que j’ai versées en atteignant enfin cette place mythique où des centaines d’alpinistes de tous horizons se retrouvent pour effectuer l’ascension de leur vie, parfois au péril de celle-ci. Des larmes de joie intense, de fierté, mais aussi de soulagement et de fatigue. En effet, ce trek est de loin le plus éprouvant que l’on ait pu faire.
Il faut savoir qu’à partir de 4500 mètres d’altitude, il n’y a plus que 57 % d’oxygène dans l’air. Or, un peu plus de la moitié des étapes et des nuits du circuit se situent au-delà. Ainsi, les affres de l’altitude, la frugalité des repas, les efforts physiques quotidiens, le manque de sommeil et le froid permanent représentent autant d’ennemis contre lesquels nous nous battions au quotidien, parfois jusqu’à l’épuisement. Dans le ciel, le va-et vient des hélicoptères ne cessait de nous rappeler que l’aventure pouvait s’interrompre à n’importe quel moment, et nous ne comptions plus le nombre de randonneurs qui abandonnaient, rebroussaient chemin, ou embarquaient à bord de ces engins lorsque leur état de santé devenait trop critique du fait de l’altitude. La menace était permanente, et nous étions chaque jour plus heureux de tenir bon et de pouvoir poursuivre l’aventure.
Tout au long de l’expédition, le soleil était au rendez-vous. Il me serait difficile de décrire les paysages qui entourent le camp de base de l’Everest tant il me semble qu’il soit impossible de contenir leur beauté et leur singularité dans des mots sans trahir leur force. Les photos parleront mieux.
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Alex désigne l'Everest, qui paraît plus petit que le Lhotse (8516m) à sa droite
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Sur la photo ci-dessus, si l'on ouvre bien les yeux,
on peut apercevoir à gauche les tentes jaunes du camp de base de l'Everest !
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Sur le retour, nous avons changé de chemin et poursuivi à travers les montagnes en franchissant le col enneigé de Cho La (5368m) ainsi que le glacier Ngozumba pour rejoindre Gokyo, un village situé à quelques jours de marche et depuis lequel on peut observer parmi les plus hauts sommets du monde : le Cho Oyu (6e plus haut sommet), le Lhotse (4e), le Makalu (5e) et, bien sûr, l’Everest.
Puis, nous avons franchi un second col dont nous avions souvent entendu vanter la beauté, laquelle est en effet à la hauteur de sa réputation : perché à 5360 mètres d’altitude, le col de Renjo offre une vue panoramique bouleversante devant laquelle nous sommes restés contemplatifs pendant de longs instants, savourant la chance inestimable que nous avions de nous trouver à cet endroit privilégié.
Qui plus est, la vallée sur laquelle débouche le col de Renjo et qui redescend à Lukla révèle des paysages diversifiés, traverse de paisibles villages et des forêts de pins diffusant d’envoûtants parfums.
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Quelle expérience que de faire face à l'Everest et rester là, à l'observer,
en rêvant aux histoires que l'on raconte sur les différentes expéditions qui l'ont visé,
parfois terribles, parfois glorieuses, mais toujours épiques
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En résumé, et après plus de deux semaines de marche en haute altitude, je crois que le 12 avril 2018 restera à jamais gravé dans mon coeur et mon âme. En somme, comme dirait notre ami l’américain, comme un « perfect day ».
« It is not the moutains that we conquer, but ourselves » Edmund Hillary