"N'oublie jamais". C'étaient les mots par lesquels se terminait notre précédent carnet de voyage, en novembre 2016, clôturant ainsi près d'un an d'aventures par-delà les terres et les océans, guidées par de profondes aspirations à la découverte et la liberté.
Depuis notre retour, le temps est passé à une vitesse fulgurante, tentant peu à peu d'engloutir nos souvenirs et d'effacer de nos âmes les traces du voyage, reléguées sur la pâle toile de fond de nos vies rigoureusement chronométrées.
Je m'étais promis de revenir au Népal pour plusieurs raisons. Entre autres, parce qu'il me restait un rêve à y réaliser : l'ascension jusqu'au camp de base de l'Everest. J'ai tenu ma promesse : Destination Kathmandu, 23 mars 2018. A compter du moment où nous avons pénétré dans l'aéroport Charles de Gaulle, deux voyages ont commencé : celui qui nous mènera prochainement au pied de l'Everest, mais aussi un voyage dans le temps, car les réminiscences de notre longue aventure ont soudainement repris forme au travers d'images et de sensations qui semblaient se réveiller d'un long sommeil.
24 mars, 21h30. Nous sommes désormais à 7232 kilomètres de Paris, au coeur de Kathmandu, une ville bruyante et anarchique, mais dont le charme ne nous avait déjà pas laissés indifférents la première fois que nous y sommes passés. Nous redécouvrons ses ruelles poussiéreuses, ses façades craquelées et ses boutiques colorées comme si nous étions sur les pas d'une ancienne vie. Mais cette fois, tous nos sens sont en éveil : les odeurs caractéristiques, issues du mélange d'encens, d'épices et de gaz d'échappement, mais aussi la chaleur et les bruits incessants, que notre attention délaissait au profit de repérages stratégiques, nous saisissent cette fois avec une vivacité inédite.
Nous portons davantage d'attention aussi aux détails qui font du Népal un pays simple et sans fioritures : l'aéroport vide, sombre et bas de plafond, à l'image d'une modeste salle des fêtes recluse au fin fond de la Beauce, la vieille imprimante étouffée de poussière qui se meurt dans son socle de polystyrène, les bureaux rafistolés et bancales derrière lesquels des vendeurs s'avachissent paisiblement en attendant que le temps passe, les voitures de police dont la sirène leur confère l'allure de jouets grandeur nature, bref, toutes ces petites choses qui me touchent parce qu'elles contrastent avec notre environnement cadré, aseptisé et garni de futilités en tous genres.
Les premiers jours ont permis à mon organisme de se familiariser à nouveau avec le climat et la nourriture asiatiques, qu'Alex supporte beaucoup mieux. Mon pauvre estomac m'en a fait voir de toutes les couleurs et m'a rappelé à quel point l'immersion en Asie avait été pour moi éprouvante la toute première fois.
La météo annonçant de fortes chutes de neige sur le parc national de Sagarmatha, où se trouve le camp de base de l'Everest, nous avons modifié nos plans et patienté une semaine avant de nous décider à nous engager sur le trek. Sur un coup de tête, nous avons donc pris un bus pour Pokhara. Vous a-t-on déjà dit que les trajets en bus sont, en soi, une aventure? Quand on sait que les népalais eux-mêmes sont malades dans leurs transports, cela donne une idée de la situation... Heureusement, la plupart sont "climatisés" ... c'est à dire qu'ils roulent toutes fenêtres ouvertes.
Un peu plus d'une année seulement s'est écoulée depuis notre départ du Népal, et les villes que nous y avions découvertes ont déjà étonnamment changé : à Kathmandu, des travaux encombrent les rues et des boutiques "haut de gamme" ont ouvert dans le quartier le plus touristique de la ville. Mais le changement le plus surprenant se trouve à Pokhara, où pas moins d'une vingtaine de nouveaux hôtels et restaurants au style "lounge" s'insèrent maintenant entre les petites cuisines familiales typiques, écrasent les fermes traditionnelles, ou trônent sur le bord du lac, diffusant de la deep house dans les oreilles de jeunes occidentaux trop occupés à profiter de l'"happy hour" pour observer les contrastes saisissants qui les entourent. Une évolution qui nous laisse abasourdis et que de nombreux népalais eux-mêmes considèrent, nous confient-ils, comme "trop rapide".
Nous sommes à peine arrivés à Pokhara, porte d'entrée du parc national des Annapurnas, que l'appel des grands espaces s'est immédiatement fait ressentir pour Alex comme pour moi. Ainsi, de façon tout à fait inopinée, nous avons endossé nos sacs à dos et sommes partis 5 jours à l'assaut du camp de base de Mardi Himal, à 4500 mètres d'altitude.
En second plan, le Machhaphuchhare, que l'on voit sur plusieurs photos, 6993 mètres d'altitude.
En chemin, nous avons fait des rencontres pour le moins.... inattendues...
.... et dansé de joie face à des paysages spectaculaires.
Sur le retour, alors que nous avions osé nous plaindre, une semaine plus tôt, du côté quelque peu incommodant des bus népalais, nous avons voulu expérimenter la jeep. Enfin... le coffre, de la jeep. Et sur des routes brutes, rocailleuses et défoncées de montagne. Quelle idée sensationnelle... c'est le cas de le dire : jamais nous n'aurions imaginé quel effet cela doit faire que d'être une paire de chaussettes dans une machine à laver lancée à toute vitesse avec option essorage. A l'heure qu'il est, le moindre mouvement de mon corps m'arrache encore un râle de douleur.
Maintenant, c'est avec un confus mélange d'appréhension et d'impatience que nous attendons le vol qui nous conduira à Lukla, porte d'entrée de l'exigeant circuit flirtant avec le toit du monde.
J-1 ...
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