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La revanche du Taranaki




Le Mont Rinjani est le deuxième volcan le plus élevé d’Indonésie (il culmine à 3726 mètres d’altitude), et sa dernière éruption date de 2010. Sur certains de ses flancs sont encore observables les traces des coulées de lave des éruptions antérieures.


De cette expédition nous faisons un bilan plutôt mitigé…

Le plus déroutant d’abord, pour nous qui avons connu la Nouvelle-Zélande, c’est à quel point la forêt est meurtrie et souillée par les tapis de déchets qui y sont abandonnés en dépit de la présence de panneaux d’information et de sensibilisation à l’écologie.

Comme on l’a constaté en direct, avec consternation, les guides et porteurs s’arrangent pour laisser traîner les sacs poubelles autour du campement, l’air de rien, en sachant pertinemment que les singes s’en feront un régal. Et ça ne loupe jamais. Quand les singes saisissent le sac, ils font mine de les chasser, avec si peu de conviction que c’en est insupportable. Mais il est déjà trop tard, le sac est en pièces, et l’entièreté de son contenu jonche le sol un peu plus encrassé.


Si bien que l’on en est venu à se demander, finalement, si les indonésiens sont fiers de nous faire découvrir leur nature ? Quelle importance revêt leur patrimoine naturel ? Quelle fierté en ont-ils ? A la suite de ce sombre constat, Alex s’est souvenu d’une phrase qui dit une grande vérité et qui, à ce moment, résumait bien le tragique de la situation :

« L’Homme est l’espèce la plus insensée, il vénère un Dieu invisible et massacre une nature visible. Sans savoir que cette nature qu’il massacre est ce Dieu invisible qu’il vénère ! » :(






D’autre part, l’ascension ne se fait qu’en présence d’un guide. Jusque là, tout va bien. Un guide ... et des porteurs. Là, ça se gâte !

Car oui, à notre grande surprise, nombre d’hommes parcourent le chemin avec un grand bâton en bambou reposant sur les épaules, à chaque extrémité duquel sont accrochés les tentes, duvets, bouteilles d’eau, ustensiles de cuisine ainsi que deux paniers contenant les réserves alimentaires. Le tout atteint 30 kgs, parfois plus pour certains. Ils effectuent leur chemin de croix en tongues, ensemble, à distance des touristes, et quelques-uns ont à peine 18 ans. Chez les plus expérimentés, on peut tristement observer les protubérances se dessinant sur leurs épaules usées, signe d’hypertrophie musculaire.


Profondément mal à l’aise, nous avons maladroitement proposé notre aide en suggérant de les alléger de certaines charges, nos sacs à dos étant très grands et, pour une fois, pas complètement remplis.

Erreur … Grossière erreur … Nous leur avons pris quelques charges mais, ce faisant, on s’est aussi emparé du sentiment de dignité qu’ils conservaient encore et que leur confère paradoxalement ce statut de « porteur », qui fédère ces hommes autour de performances dont ils se vantent pour gagner la connivence et la reconnaissance des autres porteurs. Ainsi, si notre relation était d’emblée vouée à l’échec, marquée du sceau de l’antipathie (voire la haine, pour l’un d’entre eux), notre geste a fermement annulé toute possibilité de contact un temps soit peu pacifique.





Autant dire que, pendant les premières heures, on se sentait bien seuls … On tentait tant bien que mal de faire abstraction des railleries qui faisaient office de réponses à nos tentatives d’établir le contact. On avait envie de les haïr à notre tour, et cela générait des conflits insolubles en nous : oui, ils sont détestables ! Mais comment leur en vouloir ? Le touriste surfe sur la vague de cet océan de misère … Il est leur geôlier, bien apprêté de ses vêtements qu’il se plaît à qualifier inlassablement de " Techniques ", s’il vous plaît, brandissant avec héroïsme son super-technique-bâton de marche tel Moïse ouvrant la voie, et trouvant EN PLUS le moyen de se plaindre que le parcours est difficile.


Le soir venu, on s’était enfermés dans la tente moisie, désespérés, prêts à faire un pendu pour ne pas se pendre, quand ils sont arrivés …… les américains (et la Hollandaise) !!!

Nous avons ainsi poursuivi notre route, les deux derniers jours, en la très joviale compagnie de Dong, Chris, Grant et Lisa, qui nous ont littéralement sauvés de la dépression nerveuse.




Le deuxième jour fut le plus ardu des trois : nous avons marché douze heures, et effectué deux ascensions, la première d’une durée de quatre heures. Et quelle terrible ascension …

Pour assister au lever du soleil, tous les groupes présents sur le trek partent en compagnie de leur guide à 2h00 du matin pour grimper le volcan de nuit et atteindre le sommet à l’aube. On nous avait prévenus que cette ascension présentait d’intenses difficultés, que nous pensions physiques … Alors qu’elles relèvent davantage d’une épreuve mentale.

En effet, si l’ascension est raide, elle est par ailleurs rendue pénible par le terrain, fait de sable et de roches, qui nous fait reculer à chaque pas. Et il a pour cela le soutien de l’ennemi le plus redoutable de ces quatre heures, celui qui pénètre nos os et les gèle de l’intérieur, qui nous hurle sans trêve dans les oreilles, qui nous repousse avec combativité : le vent terrible et glacé.

Aussi, le plus éprouvant résidait dans la lutte menée contre lui, pour faire un pas après l’autre, et pour continuer d’avancer sans s’arrêter plus de quelques secondes au risque d’être dangereusement saisi par le froid. Plus de la moitié des marcheurs présents sur le trek ce matin-là ont abandonné (même notre guide n’a pas terminé !) et fait demi-tour. Quant à moi, j'ai beaucoup pleuré avant d'arriver au sommet ! Et sans Alex, il est certain que je n'y serais pas arrivée ...






Si vous ne connaissez pas Alex, sachez qu'il rate rarement une occasion de faire l'imbécile

Comme si nous n’étions pas suffisamment tourmentés, la caméra nous a lâchés à cause du froid, de l’humidité et l’altitude. Adieu, les photos et vidéos sous-marines dans les eaux turquoises de l’Indonésie !! Le Rinjani nous en aura fait baver jusqu’au bout …




La périlleuse aventure s’est conclue autour d’une Bintang, la fameuse bière locale, qui n’a absolument rien de différent d’une bière lambda, si ce n’est qu’elle est locale ;)






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