Ce nouvel article vient clore un périple de 25 jours de marche en territoire himalayen (on est totalement lessivés!).
Dès le début du trek, nous avons formé un petit groupe d’amis avec un couple sino-belge et un couple d’américains. Tantôt seuls, tantôt tous ensemble, tantôt accompagnés de l’un ou de l’autre, le voyage fut ponctué de retrouvailles enthousiastes, de soirées passées à jouer aux cartes, lancer des discussions philosophiques ou partager du Khukuri (le rhum local!).
Le circuit évolue à travers rizières et petits villages de montagne, puis monte rapidement en altitude pour atteindre des espaces beaucoup plus arides et dont les couleurs chaudes accompagnent la clarté des monts enneigés de l’Himalaya.
Progressivement et tout autour de nous, émergent des géants de 6000 à 8000 mètres de hauteur …
En contrebas des falaises, la vie s’anime du son étouffé des cloches tintant au cou des yacks et des quelques discussions qui rassemblent les népalais au seuil des villages. Tranquilles, paisibles, les traits de leurs visages ne sont pas tordus par quelconque douleur due au poids des sacs de riz, de bois ou de paille qu’ils portent sur leur dos voûté par l’ouvrage. Accompagnés de mules, poneys et chevaux, ils partagent leur lourd fardeau avec ces courageux travailleurs depuis des siècles.
Les différents moments d’ascension sont difficiles, et l’acclimatation à l’altitude implique parfois des nausées et de plus ou moins douloureux maux de tête. Pour la première fois de notre vie, notre corps doit vivre à plus de 3500 mètres d’altitude, et s’habituer au froid et au manque d’oxygène. Car si l’on a pour habitude de dire qu’on part en montagne « prendre une bouffée d’air », c’est bien à 4000 mètres que l’on réalise combien l’expression est incorrecte ! Certes, l’air y est pur et c’est une profonde thérapie que de fermer les yeux et prendre une grande inspiration, avant de souffler en posant le regard sur les immenses sommets blancs. Mais la pression atmosphérique liée à la hauteur ainsi que la pénurie d’oxygène exigent de limiter ses efforts et contrôler en permanence sa respiration, faisant en sorte qu’elle soit la plus lente possible.
Non, l’altitude n’est pas une mince affaire. Et pourtant, rien ne vaut la sérénité et le silence des hauts espaces. Cette paix, loin d’être brisée par les cris des rapaces dans le ciel, en tire toute son essence. On a ce sentiment d’atteindre un autre monde, aussi ténébreux que féérique, aussi glacial que bouillonnant de vie. Comme « l’appel du large » peut envoûter le navigateur, les monts himalayens génèrent en moi une fascination quasi irrésistible. En fait, si j’étais riche et suicidaire, je serais alpiniste de haute montagne. Là-haut, la vie prend une allure de don et le temps une saveur d’éternité. La Terre n’est plus nôtre, c’est nous qui sommes ses hôtes. Eperdument amoureuse des hauteurs aussi bien que terrifiée par ses dangers, je rêve d’en vivre les secrets …
Jour après jour, l’approche du fameux col de Thorong (dont le seul nom pourrait évoquer un sombre personnage de récit héroïque-fantaisie), culminant à 5416 mètres d’altitude, générait beaucoup d’appréhensions chez la plupart d’entre nous. Toute une fantasmatique circulait autour de ce passage, que l’on s’imaginait sombre, désolé, glacial et enneigé.
En fait, cela ressemble plutôt à ça :
Au final, les deux premières semaines de trek ont été consacrées à la traversée de villages népalais et tibétains jusqu’au col de Thorong La Pass, puis à la redescente de la vallée de l’autre côté du col.
De là, après de nouveau quelques jours d’ascensions plus ou moins ardues, nous avons accédé à un parcours très prisé, qui mène à une sorte de cuve entourée des sommets parmi les plus hauts de l’Himalaya : Annapurna I, Machhapuchhre, Hiunchuli, Annapurna South, Gangapurna …
Au lendemain d’une nuit passée à 4130 mètres de hauteur, nous nous sommes réveillés à 4h30 du matin et avons affronté le froid glacial pour admirer les sommets tout proches, enorgueillis par la douce lumière que la lune leur prêtait. Le spectacle, d’un calme plat, était d’une telle magie que j’en ai eu (encore!) les larmes aux yeux …
Le retour à Pokhara fut salué par nos pauvres mollets, scandalisés par ce mois de trek en montagne.
Gros bisous, et à très vite …
