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Sur les traces du tigre


Le Népal, c’est un ensemble de vastes parcs nationaux préservés dans lesquels on trouve une faune singulière : tigres, rhinocéros, crocodiles, ours, éléphants, etc….

Difficile de faire un choix parmi toutes les réserves naturelles qui parsèment le territoire népalais. On a donc opté pour l’une des moins touristiques ; le parc national de Bardia. Cependant, si ce parc est relativement calme et moins fréquenté, c’est parce qu’il se trouve à 600 kilomètres de Kathmandu.

En d’autres termes, le voyageur qui désire s’y rendre doit être prêt à affronter le plus long trajet de sa vie, soit … 21 HEURES de bus. Et pas n’importe quel bus … un bus népalais. Les malheureux passagers sont au bus ce que les fruits sont au shaker … vous voyez le tableau? Autant dire que l’expression « prendre son mal en patience » prend ici toute sa valeur. En outre, à l’interminable temps de trajet s’ajoutent les palpitations d’anxiété et les prières silencieuses à la vue de chutes de pierres, camions accidentés, et autres réjouissances. Si bien qu’au moment où est passée la chanson « I am alive » de Céline Dion, nous, on espérait le rester encore le plus longtemps possible.



Les embouteillages freinaient de temps en temps la conduite et nous offraient un peu de répit, qu’on regrettait amèrement d’avoir éprouvé par la suite puisque le chauffeur tentait de rattraper le retard occasionné en roulant exclusivement à droite (il faut savoir qu’au Népal la conduite se fait à gauche). Enfin, n’éxagérons pas … il se rabattait de temps à temps à gauche … pour éviter de percuter de plein fouet les camions arrivant en face.



Bref, cet article n’étant pas publié post-mortem, nous avons le plaisir de vous annoncer que notre heure n’était pas encore venue. On est arrivés sains et saufs – quoiqu’un peu titubants – à notre destination. Et voici que démarrent trois jours de safari photo à la Indiana Jones.

Mais avant, on a savouré une petite sieste ma foi bien méritée.












Le parc national de Bardia comprend 968km² de forêt et de prairies, et constitue le plus grand habitat des tigres d’Asie. C’est au coeur de cette immense réserve que l’on a vécu la quintessence de l’aventure en milieu sauvage : éléphants, rhinocéros unicorne, cerfs, crocodiles, léopards, ou encore tigres du Bengale y évoluent complètement librement …


Il est impressionnant d’être face au grand portail, surmonté de barbelés, qui marque l’entrée de la réserve naturelle. On y trouve de nombreux postes militaires chargés de la sécurité des habitants, des visiteurs, et des animaux.

Nous avons posé nos affaires dans l’un des lodges situés non loin de cette entrée, et qui mettent à disposition des guides expérimentés.


C’est avec le guide Nanu que nous avons arpenté le parc pendant deux jours, accompagnés d’un jeune couple … néo-zélandais (le monde est petit!).

La veille du départ, et du haut de ses dix ans d’expérience, il a édicté certaines consignes qui, comme vous allez le constater, ont quelque chose de plutôt … inhibant : – Si on se retrouve face à un crocodile, il faut courir en zigzag. – Si on se retrouve face à un tigre, il ne faut JAMAIS courir. Il faut se rapprocher les uns des autres en faisant toujours face au tigre, le menacer avec le bâton tout en reculant doucement. – Si on se retrouve face à un rhinocéros, il faut grimper à l’arbre le plus gros et le plus proche. – Si on se retrouve face à un éléphant, il faut … COURIR! Courir vite, et prier. « Aucun arbre n’arrêtera un éléphant qui charge », nous rassurait Nanu.


Inutile de préciser que ce soir là, veille du départ, j’ai eu quelque peu de mal à trouver le sommeil.


La première matinée s’est effectuée en jeep. Mais les pluies torrentielles de la nuit avaient inondé le parc. Les ponts étaient glissants, la végétation sous les eaux.


Le niveau de la rivière avait considérablement monté


La jeep dérapait sur le pont en pente (pneus népalais oblige), impossible de le traverser !



Ce n’est qu’à l’heure du déjeuner que l’on a aperçu le premier prédateur : un crocodile, assoupi sur les bords de la rive sur laquelle on s’apprêtait à se sustenter (en espérant ne pas servir nous-mêmes de casse-croûte!). Cette surprise a réveillé en nous la lumineuse excitation qui commençait à se perdre derrière les nuages du désenchantement.



Mais l’après-midi fut pauvre en rencontres. On a quitté le parc bredouilles, tête baissée, muets.


Ce n’est que le dernier jour que le soleil a fait son apparition. En fait, au même titre que nous, les autres animaux ont tendance à rester paresseux lorsqu’il pleut, et il est difficile d’en apercevoir car ils restent terrés.

Ce jour là, nous étions accompagnés d’un guide supplémentaire, plus âgé et tout aussi passionné, du nom de Padam.


Parcourir la réserve à la recherche d’animaux sauvages, parfois dangereux, munis seulement d’un bâton de bambou et guidés par deux experts tendant l’oreille studieusement, s’immobilisant parfois pour signaler une empreinte dans la boue, avait tout d’un jeu palpitant.

C’était comme si on se reconnectait avec nos propres instincts animaux. Le vif mélange de peur et d’excitation nous serrait la gorge. A l’affût des moindres craquements de brindilles, des cris d’alerte des cerfs (un son absolument terrifiant quand on sait qu’il signale la proximité d’un tigre), on avançait sans prononcer un seul mot, communiquant entre nous au moyen de gestes et de sifflements.






Et puis, on était dans la forêt quand … on entendit un grondement sourd, à une dizaine de mètres. Quelle angoisse !!! Mon coeur tambourinait dans ma poitrine. Sally était effrayée.

De nouveau, le même grondement … Padam nous ordonna de rester où on était, et partit en éclaireur. On resta seuls avec Nanu.


Quelques minutes plus tard, je m’avançais un peu sur le chemin quand je vis Padam courir vers moi avec un sourire jusqu’aux oreilles, gesticulant comme un fou en me faisant signe de le rejoindre. Jamais je n’oublierai cette scène. A mon tour, je m’agitais dans tous les sens pour faire comprendre à mon équipe de rattraper rapidement Padam.

S’ensuivit une longue et prenante demie-heure où, retranchés derrière des arbres de l’épaisse forêt, on observait un éléphant sauvage entre les feuilles. La respiration tremblante, très émus, on se regardait les uns les autres en faisant des signes de satisfaction.


Padam nous fit comprendre que l’éléphant avait flairé notre présence depuis bien longtemps. A un moment, le mastodonte s’est déplacé brutalement en faisant craquer des branches, et on a détalé comme des lapins, terrifiés. C’était tellement drôle !!! Une fois assurés que nous n’étions pas poursuivis par un éléphant en colère, on est revenu sur nos pas, approchant le repère de l’animal à pas feutrés. Gêné par notre présence, celui-ci s’éloignait en direction de la rivière.


Nanu et Padam nous ont alors conduits à un emplacement à partir duquel on avait vue sur le cours d'eau, à une distance suffisamment sécurisée de l’éléphant. On chuchotait quelques mots, les jumelles collées au visage, guettant l’apparition de l’animal. Et là, on le vit, à une centaine de mètres. Il traversa lentement la rivière, suivi d’un…deux…trois….trente autres éléphants, dont une dizaine de petits. C’était fou… C’était … fou !


Les repères et instincts de Nanu et Padam, impérativement infaillibles, nous grisaient jusqu’à l’envoûtement : « si les éléphants viennent de traverser la rivière, allons vite de l’autre côté car des rhinocéros, effrayés par les pachydermes, sont susceptibles d’apparaître », nous confia Nanu. On a cavalé comme des enfants à travers jungle pour rejoindre un emplacement d’où l’on pouvait observer l’autre rive. Et, une trentaine de minutes plus tard, les prédictions de Nanu se révélèrent justes :



Et ce n’est pas fini !!! Quelques temps encore après l’apparition du rhinocéros unicorne, le troupeau d’éléphants traversa de nouveau la rivière à un endroit différent. C’était juste … magique …




Ce dernier jour figure parmi les plus délicieux du voyage. Ce que le matin même on tenait pour impossible devenait réalité au fur et à mesure de la journée.


Pouvez-vous voir le rhinocéros dans les hautes herbes?





Et le tigre, vous demandez-vous? Ben oui, c’est quand même le titre de l’article, alors…

Les tigres sont très craintifs, contrairement aux idées reçues, et difficiles à apercevoir en cette saison car les herbes sont très hautes. Dès le matin, nous avons repéré un tigre un dont les empreintes étaient fraîches, et nous avons suivi sa piste une partie de la matinée, galvanisés d’excitation à chaque indice de son passage.


Des traces de griffes, laissées par un tigre pour marquer son territoire …



Ou des traces de son passage dans les hautes herbes …



Ou encore des empreintes dans la boue !




Et ici, des traces de poursuite d’une biche par un tigre




Nous ne verrons de lui que ces traces, collectées avec minutie, et signalant sa présence toute proche. Peut-être qu’on est passé tout près de lui… Peut-être qu’il nous a entendus, qu’il nous a sentis, tapi dans les hautes herbes, à quelques mètres…






PS : Nous partons demain pendant un mois en trek dans l’Annapurna, le blog ne sera de nouveau alimenté qu’à notre retour :)







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