Au cours de nos virées, nous avons eu la chance de tomber de nouveau sur deux Keas, dont le ton de conversation aigu et strident nous a tirés du sommeil peu avant l’aube et plier bagages plus tôt que d’habitude. Le plus téméraire des deux a grimpé sans gêne sur mon sac, qu’il trouvait plutôt étonnant avec ses fils, boutons, fermetures, zips, et autres éléments attrayants dont la forme et la texture étaient nouvelles dans son bec, mais non pas moins plaisantes !
Si les colonies de phoques sont relativement nombreuses sur les côtes de l’île du Sud, les lions de mer se laissent plus rarement apercevoir. Ici, c’est un sacré gros bonhomme que nous avons croisé. Apparu assez soudainement, il s’est fait ramener de la mer par les vagues jusqu’à la plage, où il s’est redressé, gonflant son large buste, en souverain. On était à plusieurs mètres de lui, et pourtant la distance ne dévaluait en rien la massivité de sa silhouette. Autant dire qu’on ne faisait pas les malins !
Nous avons aussi rencontré les manchots antipodes. Ah, les manchots antipodes (autrement appelés manchots aux yeux jaunes) … Comme ils sont beaux !!
Laissez-nous vous raconter l’histoire de notre première rencontre avec ces curieux oiseaux marins.
Par un début de soirée fraîche mais ensoleillée, on dégustait un petit goûter dans les dunes d’herbes qui surplombent l’une des plages de la Péninsule d’Otago, quand Monsieur Manchot est apparu, rentrant d’une longue journée de pêche (les individus de cette espèce de manchots s’éloignent jusqu’à 15 kms de leur nid pour chercher de la nourriture. Ils sont souvent de retour aux alentours de 18h00. Celui-là était particulièrement ponctuel !).
Il se trouve qu’on était situés exactement sur le passage menant au nid, ainsi que nous le révélèrent plus tard certains indices. Il allait passer juste devant nous … On devait donc rester suffisamment immobiles et accroupis dans le sable pour, surtout, ne pas l’effrayer.
A peine sorti de l’eau, Monsieur Manchot guette : aucun danger à gauche, aucun à droite. Il entame alors son parcours jusqu’au nid, parcours ralenti par les petits pas chancelants qui font le charme des pingouins. Il ne nous a pas vus immédiatement, car on est resté absolument figés derrière les hautes herbes qui faisaient face à l’océan.
Et puis, à mi-parcours, il s’arrête soudainement en regardant dans notre direction. Le pauvre a vu deux drôles de têtes dépassant des hautes herbes, aux yeux directement braquées sur lui ! Apeuré, il a d’abord fait demi-tour. Mais il était déjà plus de 18h, il était fatigué, et Madame Manchot pourrait lui reprocher de rentrer en retard. Il lui fallait prendre le risque de rejoindre le nid …
Quant à nous, sitôt découverts, nous avons plongé dans les hautes herbes et attendu. De nouveau cachés, on a pu l’observer s’enfuir vers l’océan, s’immobiliser, puis se raviser. Il a repris sa course en dandinant. Mais chemin faisant, l’oiseau a dû échafauder un plan stratégique pour contourner les deux indiscrètes bestioles, inconfortablement recroquevillées et d’autant plus grotesques qu’elles semblaient s’imaginer qu’il allait se présenter à elles.
Ainsi, arrivé à notre hauteur, il a disparu d’un coup, subitement … On s’est regardés, attendant encore quelques minutes, pour ne pas surgir bêtement et prendre le risque de le terroriser. Puis, perplexes, on a émergé aussi doucement que possible de notre cachette. Dans le sable chaud, les traces de palmes bifurquaient effectivement brusquement, pour nous contourner tout à fait habilement. Monsieur Manchot est en fait passé JUSTE derrière nous, et a bien dû rigoler ! Quelles cloches, ces deux là !!!
On a quitté la plage, penauds, un peu vexés, mais très amusés. Quelle dommage que Martial et Félicien aient raté ça !
Monsieur Manchot rentre à la maison après une longue journée en mer …
… et se moque bien des deux freluquets qui l’observent !
Nous avons également eu l’immense privilège de rencontrer les plus petits dauphins du monde.
Ils sont appelés les « dauphins d’Hector ». Ils n’existent qu’en Nouvelle-Zélande et pèsent environ une soixantaine de kilos pour 1 mètre 60 !
Curieux, ils s’approchent beaucoup plus près des hommes que ceux que nous avons vus à Wellington.
C’était un matin froid et nuageux (on approche de l'hiver, il fait 15-20 degrés en journée), tout au Sud de l’île. Ils étaient très près du rivage, évoluant au milieu de quelques plongeurs en combinaison, bien chanceux de se trouver là à cet instant.
Tâchant de chasser de notre esprit les déplaisants souvenirs de la baignade glacée du mois dernier, nous avons enfilé nos maillots de bain à une vitesse record et avons couru jusqu’à l’océan en hurlant comme des soldats lors de l’assaut final, espérant secrètement que les vibrations de nos cordes vocales suffiraient à réchauffer notre corps.
Et on a plongé sans réfléchir, la tête la première dans un moment des plus féériques de notre voyage, long moment durant lequel rires et sanglots de joie se sont confusément entremêlés : pas moins d’une petite dizaine de dauphins nageaient tout autour de nous, nous frôlant presque, passant sous nos jambes …
A ce moment là, hélas, on ne savait pas encore qu’il ne reste qu’une cinquantaine d’individus à ce jour, ces joyeux mammifères étant menacés d’extinction par la pêche et le trafic maritime côtier. Aussi paradoxal soit-il, et comme c’est souvent le cas d’ailleurs, ce n’est qu’après-coup que l’on mesure à quel point nous avons été fortunés de vivre un instant aussi fantastique …
Moins exotique, la vache. Mais après tout, pourquoi pas ? Et puis, à ce moment, Alex lui promettait qu’elle figurerait dans notre album, alors promesse tenue …
